samedi 18 novembre 2006

Le Nouveau Réalisme : un recyclage poétique du réel

Le Nouveau Réalisme a été fondé en octobre 1960 par une déclaration commune dont les signataires sont Yves Klein, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Pierre Restany, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques de la Villeglé ; auxquels s’ajoutent César, Mimmo Rotella, puis Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps en 1961.
Leur travail collectif, des expositions élaborées ensemble, s’étend de 1960 à 1963, mais l’histoire du Nouveau Réalisme se poursuit au moins jusqu’en 1970, année du dixième anniversaire du groupe marquée par l’organisation de grandes manifestations. Pour autant, si cette prise de conscience d’une « singularité collective » est déterminante, leur regroupement se voit motivé par l’intervention et l’apport théorique du critique d’art Pierre Restany, lequel, d’abord intéressé par l’art abstrait, se tourne vers l’élaboration d’une esthétique sociologique après sa rencontre avec Klein en 1958, et assume en grande partie la justification théorique du groupe.
C’est aussi à Pierre Restany que l’on doit d’avoir défendu le Nouveau Réalisme sur la scène internationale face à l’émergence d’un art américain, le Pop Art, soutenu économiquement par un réseau de galeristes et de collectionneurs.
Les artistes et leurs Œuvres
Arman (1928, Nice)
Arman, Chopin’s Waterloo, 1962.
Morceaux de piano fixés sur panneau de bois 186 x 302 x 48 cm.
Parmi les objets utilisés par Arman, ce sont indéniablement les instruments de musique qui ont donné lieu aux plus nombreuses manipulations : colères, coupes, accumulations, combustions, tirages en bronze et assemblages.Arman explique d’ailleurs par une expérience personnelle négative de l’univers musical son agressivité envers les instruments de musique. Ainsi Chopin’s Waterloo fut-il réalisé à l’occasion d’une exposition intitulée Musical Rage à la galerie Saqqarah de Gstaad en 1962. Lors du vernissage, Arman réalisa devant le public la destruction d’un piano droit à coups de masse et en fixa sur un panneau préparé à l’avance les éléments.
Selon Arman, la structure formelle des objets détruits dans les colères détermine l’esthétique de l’œuvre et lui accorde un caractère baroque ou cubiste selon qu’y prédominent les courbes ou les droites. Chopin’s Waterloo appartient ainsi à la série des œuvres « cubistes », rappelant, au-delà des matériaux utilisés, la filiation dont Arman s’est toujours montré soucieux entre son œuvre et celle des inventeurs du papier collé et de l’assemblage
César ( 1921, Marseille - 1998, Paris )
César, Ricard, 1962.
Compression dirigée d'automobile 153 x 73 x 65 cm.
En insistant sur « la découverte de la nature industrielle et urbaine », sur l’appartenance de ces œuvres à l’univers technologique, Pierre Restany occultait la dimension formaliste de ces masses parallélépipédiques qui préfigurent, deux ans à l’avance, les recherches des sculpteurs minimalistes. C’est en effet à la forme de la Compression, c’est-à-dire à son rapport de proportions et à sa « peau » que va s’attacher César en mettant au point, à partir de 1961, la notion de Compression dirigée à laquelle appartient Ricard. Par le choix des matériaux qui composent la charge, leur nature, leur couleur et la connaissance du processus de compression, il parviendra en effet rapidement à prévoir les effets obtenus par la machine et à réintroduire dans un mécanisme, apparemment impersonnel, la conscience du créateur. Comme ces Compressions, issues de la découverte fortuite d’une presse américaine chez un ferrailleur de Gennevilliers où César se fournissait en déchets pour la réalisation de ses sculptures, les Expansions naîtront de la découverte d’un processus chimique expérimenté lors des essais de réalisation des empreintes.
Yves Klein (1928, Nice - 1962, Paris)
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Yves Klein, Monochrome bleu (IKB 3) 1960. Pigment pur et résine synthétique sur toile marouflée sur bois 199 x 153 cm.
« Le bleu n'a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont. Ce sont des espaces pré-psychologiques… Toutes les couleurs amènent des associations d'idées concrètes… tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu'il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible. »
La mise au point chimique de cette nuance, le bleu breveté par l'artiste sous le nom International Klein Blue, inaugure son « Epoca blu ». La variété de supports, de formats, de textures des quelque 194 monochromes réalisés par Klein de 1955 à 1962 permet de situer dans sa spécificité la toile IKB 3. Ses dimensions la font participer à la série des 15 monochromes IKB de « 2m x 1m50 », peints entre 1960 et 1961.
Par leurs dimensions inhabituelles, « à peine plus hautes que la moyenne des spectateurs et d'une largeur inférieure à l'envergure des bras », « ces toiles sont parmi les peintures les plus plates jamais réalisées ». Klein a recourt ici à un procédé qui opère par envahissement et captation tactile du regard. Le bleu d'IKB 3 atteint à un degré de pulvérulence pigmentaire à la fois compact et sensible au moindre souffle : il vire à des phosphorescences violacées et matérialise la « couleur de l'espace-même », que seul pourra concurrencer « le vide ».
La plupart de ces textes sont extraits ou rédigés à partir des ouvrages "La Collection", Musée national d’art moderne, Ed. du Centre Pompidou, Paris, 1987.

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